Suite des débats sur “l’inexistence de Dieu”
Le sixième argument de Sébastien Faure est sans doute le plus déplaisant, car il ne manifeste pas seulement de la naïveté (réelle ou feinte), mais de l’égoïsme.
« Pour quel motif Dieu a-t-il pu se résoudre à créer ? […] Ce Dieu ne peut éprouver aucun désir, puisque son bonheur est infini ; il ne peut poursuivre aucun but, puisque rien ne manque à sa perfection […] il ne peut se déterminer à aucun vouloir, puisqu’il ne ressent aucun besoin. […] Si Dieu a créé sans but, sans motif, il a agi à la façon d’un fou, et la création apparaît comme un acte de démence. »
On pense avoir compris l’argument. Faure pourrait en rester là. Mais, curieusement, il tient à aller plus loin. Au lieu de se cantonner prudemment sur le terrain de la raison, en se contentant d’interpeller les philosophes, il veut attaquer la révélation chrétienne, en lançant un nouveau « défi » aux prêtres et aux théologiens. Toujours aussi grandiloquent, il déclame :
« Tournez et retournez le problème ; envisagez-le sous tous ses aspects ; examinez-le dans tous les sens ; et je vous mets au défi de le résoudre, autrement que par des balivernes ou des subtilités.
Tenez : voici un enfant élevé dans la religion chrétienne. Son catéchisme lui affirme, ses maîtres lui enseignent que c’est Dieu qui l’a créé et mis au monde. Supposez qu’il se pose à lui-même cette question : pourquoi Dieu m’a-t-il créé et mis au monde ? et qu’il y veuille trouver une réponse sérieuse, raisonnable. Il n’y parviendra pas. […] Supposez que cet enfant ait la curiosité de demander à ses maîtres pourquoi Dieu l’a créé et mis au monde, j’affirme que ceux-ci ne peuvent faire à cette simple interrogation aucune réponse plausible, sensée. […] Allons […] théologiens prestigieux, répondez à cet enfant qui vous interroge et dites-lui pourquoi Dieu l’a créé et mis au monde.
Je suis bien tranquille ; vous ne pouvez pas répondre, à moins que vous ne disiez : les desseins de Dieu sont impénétrables, et que vous teniez cette réponse pour suffisante. »
Le malheureux Faure vient encore de marquer contre son camp ! Pourquoi donc n’est-il pas sagement resté sur le terrain philosophique ? Sa question aurait pu, effectivement, embarrasser Voltaire ou un déiste franc-maçon – pour qui Dieu n’a rien révélé de ses desseins. Elle aurait pu gêner un musulman. Sans rien prouver contre Dieu, elle aurait au moins été pertinente. Mais la haine est mauvaise conseillère. Entraîné par sa christophobie, Faure a trouvé moyen d’interpeller publiquement la seule instance qui pouvait le confondre : la Révélation chrétienne. Il lui a ouvert la porte, et l’a lui-même invitée au débat. Qu’il ne se plaigne pas, maintenant, de l’entendre répondre.
Dieu est amour. C’est la grande révélation apportée par Jésus.
Dieu est don. Il est don à l’intérieur de lui-même, au point que, de toute éternité :
- il se donne parfaitement par mode d’intelligence – c’est la génération du Verbe, seconde personne de la Sainte Trinité (le Fils),
- et il se donne parfaitement par mode de volonté – c’est le Saint-Esprit, troisième personne de la Sainte Trinité.
Évidemment, les choses auraient pu en rester là. Rien ne forçait Dieu à aller plus loin. Mais comme dit l’adage (rappelé, notamment, par saint Thomas [8]) : Bonum est diffusivum sui. Le bien tend par nature à se communiquer. A partir du moment où Dieu est charité, et où sa vie intime consiste déjà à se donner en lui-même de toute éternité (c’est le mystère de la Sainte Trinité, cœur nucléaire du christianisme), comment s’étonner qu’il veuille aussi donner au-delà de lui-même ?
– Mais pourquoi, pourquoi, pourquoi ? insiste Faure.
Un enfant de huit ans pourrait lui répondre :
– Tout simplement parce qu’il est bon ! Il est comme ça, notre Dieu ! Il aime à donner.
Faure secoue rageusement la tête :
– Mais enfin ! Quel profit peut-il en tirer ?
– Aucun, M. Faure, aucun ! Mais ne croyez-vous qu’à l’intérêt égoïste ? Ne comprenez-vous pas qu’on puisse donner gratuitement, par pure bonté, sans espérer aucun profit ? Et ne voyez-vous pas combien cela convient à Dieu ? Il nous crée par pure bonté. Il n’a rien à y gagner, mais il est charité ! Il est don gratuit ! Il peut donc si facilement vouloir cette création rien qu’en se voulant lui-même !
Si Sébastien Faure ne peut vraiment pas comprendre que Dieu échappe à l’égoïsme, laissons-le à son triste sort. En examinant ses six premiers arguments, nous avons montré qu’ils n’ont rien de nouveau et qu’ils sont même plutôt inférieurs aux objections que saint Thomas a affrontées dans sa célèbre Somme théologique. Nous avons montré, de plus, combien la révélation chrétienne apporte de lumière sur ces questions fondamentales. Certes, la raison suffit à démontrer l’existence de Dieu, mais elle a besoin d’une révélation divine pour en savoir plus. Ni la raison pure, ni la franc-maçonnerie, ni l’islam ne fournissent cette lumière. Seul Jésus-Christ la donne à ceux qui acceptent de croire en lui.
Que Jésus-Christ soit glorifié !
(Nous répondrons, si Dieu veut, aux six derniers arguments de Sébastien Faure une autre fois.)
Sur le même sujet, voir aussi :
- le tract sur les preuves de l’existence de Dieu (télécharger)
- la brochure : Dieu existe-t-il ? (éditions du Sel)
- l’article du Sel de la terre 103 : « Dieu prouvé par l’ordre du monde » (extrait à télécharger)
- l’article du Sel de la terre 104 : « Dieu prouvé au cœur de l’homme » (extrait à télécharger).
[8] — Saint Thomas d’Aquin Somme théologique, première partie, question 4, article 4, deuxième objection (et réponse).