Sur ce site, il est expliqué que Dieu est infiniment bon. Cela fait partie de la foi catholique. Pourtant, il est aussi enseigne que Dieu condamne quelqu’un à l’enfer éternel ! Comment est-ce possible ? D’ailleurs, l’idée d’éternité reste difficile à appréhender.
Qu’est ce que l’éternité
Pour nous qui vivons dans le temps et le mouvement, il est bien difficile de concevoir en quoi consiste l’éternité, car elle consiste en une certaine immobilité.
Parfois, une intuition de ce qu’est l’éternité parvient jusqu’à notre esprit :
- dans un rêve, je perds contact avec le réel et ne voit pas le temps passer. Les images semblent défiler très vite : des études neurologiques ont d’ailleurs montré qu’un rêve “complet” comprenant plusieurs scènes et dialogues, peut être créé par le cerveau en l’espace de quelques secondes, lors d’une phase de réveil : certains rêves peuvent même fatiguer !
- Lors d’une activité extrêmement absorbante (lecture, film), nous disons littéralement que nous n’avons pas vu le temps passer. Il semble s’être “comprimé”
- A l’inverse, un évènement ou stress très intense, une impression de se noyer par exemple, peut sembler durer beaucoup plus longtemps que ses quelques secondes de durée réelle.
L’éternité de Dieu suppose qu’il est à la fois dans le passé et dans le présent : comme il se déplace infiniment vite, il lui faut une durée nulle pour aller d’un point A à un point B : il a beau se déplacer partout, il “n’arrive pas” à faire s’écouler le temps. Est ce qu’une infinité de temps nuls est égale à un temps nul ou un temps infini ? Les maths ne savent pas trop répondre à la question ” 0 x l’infini” et de même, notre esprit n’arrive à comprendre ce que représente cette éternité de temps nuls.
En même temps, tout est question de perspective : c’est parce que nous vivons dans un temps, qui semble “infiniment lent” à Dieu, que son éternité nous parait longue. Nous sommes des escargots. D’autre part, si plus personne n’a besoin de temps pour bouger (après la fin du monde et le jugement dernier), car tout le monde est dans l’éternité, alors nous nous contentons d’être, toujours pareil.
C’est horriblement ennuyeux de simplement “être”, pensez-vous ? Vu d’un homme, oui. Maintenant imaginez que vous soyez la terre entière: vous vivez de partout, vous êtes tellement étendu et divers, que rien que vous comprendre vous-même et vous voir vivre serait intéressant. Hé bien dans l’éternité, vous devenez partie intégrante de Dieu, qui est encore plus “étendu” si je puis dire, qu’une planète, et cela rend cet “état” passionnant.
L’éternité au paradis
Dans l’éternité du paradis, nous avons une “possession simultanée (=sans succession) et parfaite d’une vie sans fin” (St. Thomas d’Aquin). Nous serons donc tellement “occupés” à contempler Dieu, sa bonté et sa beauté, que nous ne nous ennuierons pas et que le temps s’arrêtera.
L’éternité en enfer
Cela étant, nous n’avons toujours pas répondu à la question initiale : comment ce Dieu bon peut-il y envoyer les gens ?
D’abord, l’enfer est l’unique alternative au paradis (excepté le cas particulier et complexe des limbes, dévolues aux petits enfants non baptisés). Comment peut il être éternel, puisqu’il n’y a pas ici de Dieu à contempler ? En fait, il faut comprendre que Dieu ne fait qu’entériner le choix qui a été fait par l’âme à l’instant de sa mort. Citons ici St. Thomas d’Aquin (Compendium de théologie, c. 174) :
L'âme selon qu'elle se sera proposée telle ou telle fin au moment de la mort y demeurera à jamais, la désirant comme ce qu'il y a de mieux, que ce soi le bien ou que ce soit le mal, selon ce que dit l'Ecclésiaste (11, 4) : "Si l'arbre tombe au sud ou au nord, il y reste".
Il y a donc un refus définitif de Dieu, qui correspond au choix de préférer les créatures au créateur. Ce choix est irréversible, tel celui de l’arbre, et l’âme ne peut pas changer d’avis, et ne le veut pas non plus.
Dieu laisse les âmes se damner ?
Ce “choix de l’arbre” ne signifie pas que Dieu ne fait pas tout ce qui est en son possible pour sauver une âme sur le point de mourir. Mais, mystère de la création, il respecte la volonté de chacun. St Paul nous rappelle (1 Tim 2,3) que Dieu “veut sauver tous les hommes”. Il donne des grâces encore et toujours, largement suffisantes à tout le monde pour se sauver. Nul humain ne peut dire qu’il a été “forcé” d’aller en enfer : nous ne sommes pas protestants, nous ne croyons pas à la prédestination, mais au contraire à la liberté de chacun, au pouvoir de chaque humain de répondre à la voix de Dieu et de se sauver.
Tel Judas, malgré le remords que ces âmes éprouveront en enfer, ils refuseront pour toujours de changer, par orgueil. Voilà qui explique comment un Dieu bon laisse l’enfer exister : mystère de la liberté.